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Disparition...
Encore que disparition ne soit pas le juste mot, car Jean-Christophe
Boureux n’est pas prêt de disparaître de nos cœurs. Il nous
a quitté, nous laissant d’abord incrédules, puis ahuris et plongés
dans un lourd chagrin. Il a été pour nous un ami précieux, efficace
et charmant. Nous lui avions demandé en octobre dernier de raconter,
pour notre modeste revue Plaisirs de Mémoire et d’Avenir,
l’histoire, ou plutôt l’aventure, de nos relations.
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Sa grande pudeur vaincue, nous attendions de lui la ”relation” de cette
quête… poétique. Mais voilà qu’il nous faut nous substituer à lui,
avec, mêlée au ”plaisir de mémoire”, une profonde tristesse. Eh
bien ! voici : |
Rien
ne prédispose Jean-Christophe Boureux, agent technique forestier
à Saint-Aubin dans l’Indre, à s’intéresser à la littérature moderne
en général, encore moins à André Beucler en particulier. Il s’occupe
principalement d’arbres et accessoirement de chevaux. |
Mais
c’est un homme curieux de tout, sentimental, généreux et apparemment
têtu. Son épouse est d’origine franc-comtoise, et, en 1990, ses
beaux-parents, d’Exincourt, fidèles au Doubs, acquièrent pour leur
retraite une maison dans un quartier neuf de Seloncourt, rue…
André Beucler.
Jean-Christophe ne tarde pas à se demander qui était André Beucler
? Il mène une enquête assez longue avant de trouver de l’aide auprès
de l’association des Amis du vieux Seloncourt, qui l’orientent sur
des ”mémoires vivantes” : Pierre Rérat, Louis Bonnot et Nicole
Stauffer-Barbier notamment. Il découvre ainsi qu’il s’agit d’un
écrivain né en Russie mais dont les racines profondes sont entrelacées
au Pays de Montbéliard. |
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Il
se met alors à rechercher, puis rassembler, tout ce qu’il peut sur
cet auteur encore mystérieux pour lui : livres, photos, articles,
affiches… Entre temps il ne devait pas manquer, bien sûr, de croiser
notre Association, née en 1992, et nous avons aussitôt sympathisé
avec cet adhérent dynamique, qui a, de son propre chef, monté à
Seloncourt en 1998 une exposition pour honorer le centenaire de
la naissance d’André Beucler, dont il était devenu fan ! |
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Il
a méticuleusement enrichi ses propres archives, et nous nous sommes
parfois trouvés en concurrence – amicale – entre autres sur les
catalogues des Libraires d’ancien : il était très joyeux de rafler
avant nous une édition originale. Nous correspondions par courrier
et par téléphone, et par les échos de nombreux amis qu’il s’était
fait en Franche-Comté, mais nous n’arrivions pas à nous croiser
en chair et en os, nos occupations professionnelles et nos adresses
étant trop décalées.
Cela
finit par arriver tout de même, à l’occasion de la Fête du Livre
à Belfort. Nicole Stauffer nous réunit pour un déjeuner, puis
Agathe Bischoff-Moralès, directrice du Livre et du Rayonnement
Culturel à la Mairie, nous réunit pour un dîner. Jean-Christophe
était tout feu tout flamme :
Annie Marandin, documentaliste du CDI du Collège des Hautes-Vignes
à Seloncourt, avait monté, à partir de son exposition, une animation
impliquant les élèves de 6èmeB intitulée A la poursuite d’André
Beucler, étalée sur l’année scolaire 99-2000 : tentatives de recréation
d’une couverture du roman Gueule d’amour, identification
des amitiés littéraires de l’auteur, recherche topographique (sur
le terrain même) des lieux décrits dans l’œuvre…
Et voilà qu’une exposition du bilan
de ces travaux de collégiens allait couronner tout ce travail,
toute cette quête/enquête, et faire de l’étincelle qu’avait allumée
Jean-Christophe Boureux un brillant feu d’artifice !
Il
s’en réjouissait d’avance et rendez-vous fut pris pour le mois
d’avril 2001 à Seloncourt. Mais son état de santé, que personne
ne soupçonnait, ne lui permit pas de nous y rejoindre. Notre dernier
contact fut téléphonique et mélancolique. Il aurait tant voulu
être là, et pour tout le monde il manquait à la fête, au faîte
de ses efforts.
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