A
propos d'I.F.1 ne répond plus par
André Beucler :
|
Le
véritable personnage du nouveau film d'Erich Pommer, c'est cette
île flottante, chef-d'uvre de technique moderne qui existe en plein
océan comme une île de terre et de roc, une île connue, découverte,
vieile comme les continents et les mers !… Mais cette fois, c'est
une île utile, une île indispensable, qu'aucun hasard orogénique
n'aurait fixée à cet endroit. Une île qui ressemblerait à
Oléron ou à Nicobar ne rendrait aucun service. Celle qui a été
inventée par M. Henninger, l'ingénieur berlinois bien connu,
décrite par Kurt Siodmak, le romancier, esquissée par l'auteur
du scénario et enfin animée par Pommer, en trois langues, pour
trois pays, avec la collaboration
de techniciens endurants et avisés, évoque à la fois un
pays, une ville, un palais, un port, une gare aérienne, un cuirassé
et une demeure délicieusement actuelle. Elle est pourvue de tout
ce que peut désiré un civilisé du type 1933 : hôtel,
piscine, salle de jeux et de lecture, restaurant, terrasses et station
radiotélégraphique reliée à tous les postes importants
du monde.
|
De
leurs cabines, les passagers transatlantiques voient resplendir un aérodrome
de haute mer, preuve d'une magnifique victoire remportée par les
hommes sur les espaces infranchissables ! Illusion de constructeur ?
Emportement de poète ? Non ! Ce film indique au contraire
une certaine actualité.
Une île flottante dans l'océan Atlantique, une île flottante qui
assurerait la liaison aérienne de continent à continent de façon
régulière et pratique fait aujourd'hui partie des préoccupations
d'un grand nombre de techniciens, écrivains et producteurs de films.
C'est une idée qui est dans l'air, qui prend forme. Que le cinéma
s'en soit emparé, cela indique beaucoup en sa faveur. Ainsi le public
s'habitue à cette nouveauté.
|
Cet
automne, cinq français, Charles Boyer, Danièle Parola, Jean
Murat, Marcel Vallée et le signataire de ces lignes, ont eu la précieuse
occasion de passer prés d'un mois sur la première ébauche,
si l'on peut ainsi s'exprimer, de cette construction. C'est en effet au
large de Rugen, dans la petite île de Greifswalder Oie, que les extérieurs
du film IF1 ne répond plus ! ont été tournés.
Commencés au début de l'été, les travaux se sont prolongés
jusqu'à l'entrée de l'automne. Cet îlot de la Baltique, qui
fit autrefois partie de la
Hanse, et dont la superficie est insignifiante, a été brusquement
recouvert de métal sur une certaine partie de son étendu. Du
jour au lendemain, le territoire minuscule où régnait un gardien
de phare entouré de sa famille, a été envahi par une troupe
de figurants, enrichi de décors, de projecteurs, visité par
les avions. Le soir, après le départ de ce que nous appelons
le gros de l'armée, qui rentrait à Gôhren par le bateau, nous
demeurions sur l'île battue par les flots de toutes parts, où nous avions
élu domicile.
|
Les
scènes qui font de ce film une uvre à la fois originale
et puissante ont été prises sur ce sol mi-terrestre, mi-métallique,
et, pendant les nuits violentes et persuasives de septembre, nous avions
véritablement l'illusion de vivre en pleine mer, sur un sol artificiel,
nouveau, ajouté au monde, d'attendre le courrier de l'Europe, les
voyageurs des Etats-Unis, les dépêches d'Afrique, et du Brésil.
Si forte était l'impression produite sur nous par l'aventure !
Il faut ajouter
que le créateur de cette plateforme flottante, aujourd'hui cinématographique
et demain réelle, se trouvait parmi nous, et que c'est un jeu pour
lui d'entraîner nos esprits vers l'avenir… Il y a plus. Une société
internationale vient de se constituer pour permettre aux partisans de
l'IF1 de continuer leurs travaux. Dans quelques mois, un navire partira
pour le cur de l'Atlantique, étudier sur place l'endroit exact
où devra être ancré un jour l'île flottante véritable dont
la construction est d'ores et déjà envisagée.
André Beucler
|
|