Le
20 octobre 1999, les éditions Mémoire du livre ont
ressorti en librairie les souvenirs qu'André Beucler avait
soigneusement consigné pendant vingt ans des jours et des
nuits vécus avec son ami Léon-Paul Fargue.
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" Quand
Beucler " racontait Fargue ", J'étais toujours
étonné par la façon dont celui-ci écoutait.
Il ne se lassait de pas l'entendre cette biographie facétieuse,
ce roman d'aventures poétiques, artistiques, citadines, mondaines,
dont il était le héros. Il faut dire que Beucler narrait
divinement. Il n'était pas homme de lettres pour rien.
Fargue dans son lit, la cigarette éteinte aux lèvres,
éparpillant de la cendre sur son ventre dont on voyait un morceau
écartant la chemise et qui paraissait tout gris, ajoutait un
détail au roman de sa voix graillonnante et mélodieuse.
Ces interruptions faisaient plaisir à Beucler d'une façon
touchante : on devinait qu'il les enregistrait scrupuleusement
afin d'enrichir plus tard, à loisir, son grand monument de l'amitié.
Beucler, qui n'admirait pas seulement Léon-Paul, mais encore
l'aimait et lui ressemblait, soit par nature soit par mimétisme
d'amitié, ne tombait jamais dans les caricatures. Fargue tel
qu'on le voit dans les bouquins qu'il lui a consacrés a toute
sa densité charnelle et spirituelle. On ne l'entend pas seulement
parler, on le voit marcher, être gai, être mélancolique,
être transparent, être mystérieux. Beucler peignant
Fargue a l'oreille de Liszt transcrivant pour le piano des chants du
terroir hongrois ou bohémien. "