De
très nombreux écrivains, et non des moindres, ont partagé la douce
manie de griffonner des images en marge de leurs textes, sur leur
correspondance, enveloppes comprises, sur les nappes de restaurants,
sur la page de faux titre des livres qu'ils dédicaçaient, et sur
bien d'autres supports de circonstance. Musset, Balzac, Victor
Hugo, George Sand, Théophile Gautier, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud,
Mallarmé, Maupassant ... et, plus près de nous, Jean Cocteau,
bien sûr, mais aussi Max Jacob, Jean Giono, Saint-Exupéry, Desnos
pour ne citer que ceux qui nous reviennent en mémoire.
André Beucler aussi était atteint de cette bienheureuse démangeaison.
Depuis son plus jeune âge, il dessinait partout et tout le temps.
Au lycée il caricaturait ses profs et les pions, mobilisé en 1917,
il croquait ses compagnons d'arme entre les tirs d'artillerie.
Plus tard il fixera, aux terrasses de Saint-Germain des Prés,
les silhouettes fugitives des garçons de café et des clients insolites.
Il avait d'ailleurs un beau talent de peintre, dans la lignée
impressionniste et a laissé de belles toiles et des aquarelles
de qualité qu'il n'a jamais songé à exposer. Ce n'était pour lui
qu'un délassement. Mais cela explique peut-être la qualité de
ses "croquis", que ses amis laissaient rarement à l'abandon et
empochaient aussitôt faits.
Beucler avait d'ailleurs beaucoup d'admiration pour les maîtres
du crayonnage, tels que Chas-Laborde, Gus
Bofa, Marcel Vertès, Sem ou Pol Rab, qu'il avait connus
et fréquentés comme jeune secrétaire de rédaction de Fantasio-Le
Rire dans les années 20.
Cette douce manie de la caricature ne le quittera pas. Retiré
à Nice, il dessinait encore tout le temps, en téléphonant, dans
les taxis, les salles d'attente, sur des feuilles d'agenda périmé,
en marge des journaux, sur les listes des courses. Et il découpait
souvent avec admiration quelques dessins de "jeunes" : Cabu ou
Wolinsky faisaient sa joie.
Natacha, son épouse, a sauvé de la corbeille à papier beaucoup
de croquis qu'elle rangeait secrètement dans une boîte à chaussure.
C'est ainsi que nous avons le bonheur de pouvoir les présenter
à Belfort.
La
Bibliothèque municipale a exhumé pendant un mois
ces petits bouts de papier pour l'exposition:
Beucler
au quotidien