Je
viens vous donner quelques explications sur des trajets effectués
sur les traces d'André Beucler et tels que je les retrouve dans
Gueule d'Amour. Je ne suis pas la seule à avoir remarqué
ces analogies, Monsieur Boureux m'avait déjà communiqué quelques
passages du livre annotés par Monsieur Bonnot, ancien instituteur
de Seloncourt.
Gueule
d'Amour
Nous
avons retenu la pagination de l'édition Folio - Gallimard
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15.
J'ai l'habitude
de passer mes vacances dans un petit village de soixante maisons
dont les habitants se connaissent…
C'est
Bondeval. Il avait du compter les maisons, car après vérifications,
j'en bien trouve une soixantaine à cette époque.
Page
16.
J'avais aussi l'habitude de prendre mes vacances en automne,
quand les deux routes qui se croisent à la hauteur de l'église
sont couvertes de feuilles pourpres, dorées ou violettes comme
des papillons morts et que les jardins brûlent, autour des maisons
qui se recueillent pour la vie intérieure, les derniers parfums
de la saison…
Maman
me disait qu'André Beucler venait souvent au pays au moment
de la récolte des pommes.
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17.
…Dans ce cas,
le mieux est d'aller à la sous-préfecture, acheter des romans
policiers… je fais ordinairement onze kilomètres à pied, et
reviens le soir de la ville par un petit tramway qui s'arrête
à mi-chemin…
La
distance Bondeval - Montbéliard (la sous-préfecture) est de
onze kilomètres environ. Le tramway est celui de la vallée du
Gland qui le ramenait sur Seloncourt - Hérimoncourt. Il faisait
les deux derniers kilomètres à pied.
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Le dessous de
l'obscurité était encore chaud du bruit des forges et les fumées
grasses, mêlées à la brume, noircissaient le vernis bleu de
l'horizon. Quelquefois, une limousine lancée à toute allure
m'arrachait au passage l'objet de ma méditation. Je m'arrêtais.
Des ouvriers étrangers, Tchécoslovaques ou Polonais, traversaient
la route, une bouteille de vin dans chaque poche. Une porte
s'ouvrait ; on entendait la voix d'une femme ou le bruit d'une
dispute. Sous la fumée des usines, les cabanes de planches mal
jointes, les baraques de tôles se serraient l'une contre l'autre
et formaient un village dont les habitants avaient choisi une
fois pour toutes telle qualité de vin ou tel jeu de cartes.
Des affiches fixées à la porte des taudis exploitaient le mysticisme
de cette population au mauvais caractère. Je croyais me trouver
dans la zone de Paris aux fameuses couleurs rouge et noir. Le
paysage sordide et puissant était le même qu'à Saint-Ouen ou
au plateau de Vanves. […] Sous mes yeux, l'industrie envahissait
l'arrondissement d'une façon sourde ; aucun arbre, aucun jardin,
pas une ferme ne résistait à la conquête invisible mais éclatante.
On ne pouvait plus faire un pas sans être saisi par une odeur
de drame et de débauche, et les paysans qui allaient de village
en village au moment des foires, flétrissaient en patois les
élections trop fréquentes et redoutaient une révolution. Les
cinquante mille ouvriers de la région avaient apporté des costumes,
des danses, des airs d'accordéon, un tissu spécial inconnu des
magasins de la sous-préfecture, un tabac introuvable dans les
débits, des habitudes de travail et de loisir dont l'ensemble
constituait un mystère populaire qui jetait l'inquiétude aux
quatre coins de l'horizon.
C'est
le trajet effectué depuis Montbéliard à Bondeval en passant
par les usines Japy et Peugeot Frères de l'époque. Les filatures
Japy étaient rue des Mines à Exincourt en limite d'Audincourt
à la limite de la gare de cette dernière ville. De l'arrêt où
il devait descendre à Seloncourt, il y a environ 3 kilomètres.
Le centre de Sochaux a eu ses premiers bâtiments entre 1911
et 1912. Les usines de Valentigney et Beaulieu - Mandeure pour
Peugeot et Japy à Sous-Roches (Valentigney) existaient déjà.
Celle sur la falaise du Haut-des-Roches à Seloncourt se trouvait
sur la falaise juste au-dessus de Valentigney. Les ouvriers
pouvaient passer par des escaliers métalliques fixés à la roche
pour communiquer entre les usines. C'est sur ce Haut-des-Roches
que se trouve maintenant la rue André Beucler.
Maman
me racontait que les ouvriers du plateau (Roches-les-Blamont,
Blamont, Ecurcey, Autechaux, Roide et les environs) descendaient
avec un véhicule poussif jusqu'à Bondeval et même à vélo. Ceux
qui allaient à Beaulieu - Mandeure coupaient à travers champs
par le haut du village ou le chemin du cimetière (certains arrivaient
au niveau des cités du Maroc), ceux qui allaient sur Valentigney
ou le Haut des Roches descendaient la côte de Bondeval, passaient
devant " l'Isba "
(c'est ainsi qu'on surnommait la maison construite par Jules
Beucler, le père d'André), puis arriver en bas, ils tournaient
à gauche pour prendre le " chemin noir " ou allaient tout droit.